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Musicora 2012


Nouvelle impulsion, nouveau lieu pour Musicora : pour sa première édition sous la direction de dynamiques jeunes femmes (Marianne Gaussiat et Isabelle Gillouard, responsables de l’agence Sequenza désormais propriétaire du titre), le traditionnel salon de la musique parisien renouait avec le succès. Les chiffres affichés par les organisatrices dégagent un pafum de printemps : 7 000 visiteurs dont 673 enfants ont sillonné les allées entre 110 exposants, 30 conférences et rencontres, 20 concerts donnés avec le concours de 205 musiciens, 25 activités pour les enfants ; 1 000 professionnels ont convergé vers les carrefours spécialisés tandis que Radio Classique et Medici Tv retransmettaient les manifestations. En somme, oserait-on dire que la cote de la musique était orientée à la hausse, puisqu’elle avait investi le Palais Brongniart (ex-Bourse de Paris, où l’on déguste un cocktail en s’accoudant à la fameuse corbeille désormais exposée à l’étage) ?
Alors, pour notre page mensuelle, revendiquons le droit à la badauderie d’une oreille promeneuse relevant ce qui l’a intéressée lors de la seule journée du 11 mai 2012.

Commémoration oblige, le Salon d’honneur accueillait tout d’abord une rencontre « Aimer Debussy aujourd’hui », causerie brillamment animée par Jean-Yves Clément, où l’on s’étonne que n’ait point été annoncée sur les dépliants la participation (décidée au dernier moment) du seul musicien qui apportait une touche (c’est le cas de le dire pour un pianiste !) de vibration palpable avec la dimension émotionnelle de l’art vivant : Frédéric Vaysse-Knitter.
Eût-on donné une plus grande place à cette participation de musique vivante (car la diffusion d’extraits discographiques sur les médiocres enceintes installées à demeure frisait le pathétique !), la manifestation, qui n’attira qu’une douzaine d’auditeurs clairsemés, aurait peut-être drainé plus de monde. De fait, en redescendant de la salle, on croisait des personnes qui, tout étonnées d’apprendre la participation du pianiste, s’écriaient : « Ah ? Si j’avais su, je serais monté l’entendre ». Un "raté" dû à une décision trop tardive privait l’initiative d’auditeurs putatifs.
À moins que les absents – qui ne pouvaient être taxés d’indifférence à ce qu’on ne leur annonçait pas, mais qui n’ont pas toujours tort, vous allez le comprendre ! – n’aient pressenti l’insupportable narcissisme dont Benoît Duteurtre (annoncé, lui !) allait gratifier les rangs de chaises vides, nous contant ses émois adolescents, détournant une part abusive du temps de parole au profit de la lecture de pages entières de son livre autobiographique ! N’y avait-il d’autre moyen, plus "informé" et surtout plus centré sur la personnalité de Debussy et les esthétiques de son temps, de nous guider vers les clés de son génie musical ?!
Mais la patience fut récompensée lorsque Frédéric Vaysse-Knitter nous joua Et la lune descend sur le temple qui fut, avec une soyeuse délicatesse de toucher, une contemplation de l’intime cheminement poétique, qui suspendirent le temps. L’art – déjà relevé dans une précédente chronique – auquel est parvenu ce pianiste de rendre signifiants les plus extrêmes P et PP, prenait ici toute sa valeur puisque la pièce de Debussy s’y tient toute entière. Il s’avère toujours instructif d’entendre à la suite un même piano sonner sous les mains de pianistes différents... ou d’entendre un même pianiste transmettre sa volonté interprétative à deux instruments opposés : c’est le double privilège qui nous fut donné, puisque la lune diffusait ses opalines clartés sur le Fazioli de Musicora que Frédéric Vaysse-Knitter transfigurait, avant de rééditer quelques jours plus tard la performance (cette fois pour le Deuxième Livre d’Images tout entier) sur le Bösendorfer aux graves roboratifs de la Bibliothèque polonaise, autant dire sur deux pianos aussi divergents que possible !
Quant au Fazioli amené au Palais Brongniart, nous le réentendions le soir même lors d’un récital de Maciej Pikulski et, à être manié par un pianiste qui aime paraître, il dévoilait cette fois son clinquant (ou son claquant brio, comme on voudra) : mais on conviendra que jouer tout du long la Totentanz de Liszt comme un brillant numéro de voltige relève du contresens philosophique (sans compter que les notes graves du piano répétaient mal).



In memoriam Pierre Wissmer

Si la vision de rangs clairsemés confirme à chaque fois ma conviction que la conférence traditionnelle (l’orateur seul derrière sa carafe d’eau dont Bernard Gavoty, conférencier des plus spirituels, disait qu’elle ne servait qu’à être renversée au premier geste oratoire 1), ou même la causerie à plusieurs intervenants, est un genre moribond, je tiens que la formule du concert-conférence, rebondissant du propos explicatif à la démonstration musicale vivante et instantanée, s’avère beaucoup plus excitante et riche d’enseignements pour le public.

Or, une rencontre en musique, telle se présentait la séance d’hommage à Pierre Wissmer organisée par les éditions Billaudot qui gèrent, sous la conduite éclairée de Christophe Dardenne, la Fondation Action musicale Pierre Wissmer ; et cet hommage, contrairement aux autres manifestations du jour, remplit la salle ! Autour de Cécile Auzolle, musicologue, et de Pierrette Germain (Présidente de la Fondation), les chefs d’orchestre Jean-Jacques Werner, Dominique Fanal, Fabrice Grégorutti évoquaient la figure du disparu (de brefs extraits de leurs enregistrements des symphonies, diffusés sur le toujours indigent matériel de la salle, ponctuant leurs propos), tandis que les jeunes artistes du disque d’oeuvres chambristes (lire ci-dessous) assuraient la présence de musique "vivante", pour le plus grand plaisir des auditeurs.
Commenter les disques sortis à cette occasion retracera mieux que des discours le parcours musical de celui qui fut un grand acteur des institutions françaises et suisses ; on lui doit notamment le sauvetage du Conservatoire du Mans, qu’il releva de désastres successifs pour le porter à un niveau d’excellence, en fédérant autour de lui un corps enseignant de haute qualité. C’est au cours de ces années que j’eus le privilège de l’approcher souvent, et on trouvera dans son catalogue une œuvre d’orgue qu’il dédia à Rolande Falcinelli, laquelle en fit la création. Je garde le souvenir d’un homme d’esprit (un esprit parfois percutant), à l’élégance racée et à la perspicacité pénétrante dont – je le dis avec un reconnaissant respect – je fis personnellement l’expérience. Cela ne doit pas brider la distance critique face à des œuvres qui s’inscrivent – avec le risque d’en accuser les travers – dans un positionnement revendiqué face à l’époque.

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1« Connaissez-vous de plus triste spectacle que celui du conférencier barricadé derrière une table nappée d’un tapis vert avec, à portée de la main, une carafe à allures de projectile et un verre d’eau évoquant le cachet d’aspirine ? Ces accessoires traditionnels de la conférence-de-papa, je n’en ai jamais voulu ! [...] Un geste théâtral, tout s’envole ! Votre prestige le premier. [...] La carafe, par destination, tombe et se brise dans un fracas irréparable. Donc, débarrassons-nous de ces dangereux gadgets, que certains croient, à tort, les fétiches d’une vraie conférence. » in Bernard GAVOTY, Parler... Parler ! (Julliard, coll. Idée fixe, 1972).


Pierre Wissmer (1915-1992): Symphonie n°1 par l’Orchestre National d’Ukraine, dir. Fabrice Grégorutti ; Symphonie n°2 par l’Orchestre de la Suisse Romande, dir. Edmond Appia ; Symphonies n°3 et 8 par l’Orchestre Léon-Barzin, dir. Jean-Jacques Werner ; Symphonie n°4 par l’Orchestre Symphonique Hongrois, dir. Alain Pâris ; Symphonies n°5 et 6 par l’Orchestre Philharmonique des Sudètes de Walbrzych, dir. Dominique Fanal ; Symphonie n°7 par la Philharmonie d’État d’Olsztyn, dir. Dominique Fanal ; Symphonie n°9 par l’Orchestre Symphonique du Mans, dir. Dominique Fanal. Une production de la Fondation Action musicale Pierre Wissmer ( www.pierrewissmer.com ) et des Éditions Billaudot, distr. Intégral.
INT 221.242/4 (coffret de 4 disques).

Pour honorer la mémoire du défunt compositeur suisse, il fut décidé d’assembler quelques parutions sorties sous des étiquettes confidentielles et de les compléter par un document d’archive et des enregistrements nouveaux, réalisés selon les contingences économiques (on aura remarqué la géographie des orchestres recensés dans le descriptif ci-dessus !). Un effort notable a été accompli pour que l’auditeur ne souffre pas trop de la disparité des captations provenant d’époques et de salles différentes.
La 1ère Symphonie (1938) connut les honneurs d’une création par le Musikkollegium de Winterthur sous la direction d’Hermann Scherchen. On l’entend ici conduite avec une aimable nonchalance par Fabrice Gregorutti, et malheureusement privée de l’alacrité du clavecin, remplacé par un piano au sein de l’orchestre (n’y a-t-il point de clavecin en Ukraine ?). Le néo-classicisme du 1er mouvement se nourrit de celui de Stravinsky. Les longues lignes planes et les allusions archaïsantes du 2ème mouvement évoquent tour à tour Honegger, Frank Martin ou même Samuel Barber, ce qui ne nuit pas à la fort belle atmosphère. Le 3ème mouvement (que l’on souhaiterait plus vivace) use d’éléments jazzistiques empruntant à Ravel et, dans une moindre mesure, à Stravinsky.
Au contraire, Edmond Appia se distingue par un style de direction tranchant comme des lames de rasoir ; on l’entend ici diriger l’Orchestre de la Suisse Romande lors de la création en 1953 de la 2ème Symphonie (1951). Ce précieux enregistrement de Radio-Genève restitue toute la verdeur d’une partition qui inscrit avec une extrême habileté le traitement de thèmes dodécaphoniques (nantis de l’idoine combinatoire polyphonique) dans une verve néo-classique (1er mouvement), puis une tendre effusion (2ème mouvement) évoquant à nouveau le symphonisme américain ; la liberté dans le traitement expressif et para-tonal du dodécaphonisme incite d’ailleurs au parallèle avec les compositeurs américains. Un Final cravachant jusqu’à un fugato virtuose mais rigoriste restitue bien la personnalité de Pierre Wissmer telle qu’elle apparaissait dans la vie, avec ce brio mordant.
La 3ème Symphonie pour cordes (1955) nous est elle aussi restituée en concert, cette fois sous la direction d’un vieil ami de Pierre Wissmer : Jean-Jacques Werner qui en donne une interprétation aussi vivante et chaleureuse que mûrement pensée. Les cordes de l’Orchestre Léon-Barzin le suivent avec fougue. Néo-classicisme au contrepoint très fouillé et libre dodécaphonisme trouvant des cadences tonales se conjuguent encore, mais un Scherzo plus faible et un Final longuet déparent l’ensemble.
Un bouillonnement de vie émane de la 4ème Symphonie (1962), s’ouvrant par un Allegro aux métriques anguleuses et irrégulières. Les clusters soutenant le thème dodécaphonique du 2ème mouvement créent une atmosphère chargée de nuées crépusculaires qu’interrompt brièvement un crépitant Allegretto ; le traitement des intervalles (les quartes, notamment) de la série prend un tour plus tonal voire polytonal à partir du nostalgique solo de violon. Les alliages originaux de timbres du 3ème mouvement se teintent d’humour. Le brillant (clinquant, même !) Final s’engage dans une démarche plus conventionnelle. L’orchestre hongrois n’a pas l’étoffe des cordes de la Suisse Romande, mais s’appuie sur des vents et percussions incisifs ; Alain Pâris donne une interprétation très sentie du kaléidoscope de caractères composant cette partition.
L’écoute de la 5ème Symphonie (1969) est handicapée par une prise de son au lointain particulièrement mal venu après la vigueur de l’enregistrement précédent, et par un orchestre polonais aux insuffisances criantes, malgré la direction vive et pétillante de Dominique Fanal, disciple à la fidélité jamais démentie de Pierre Wissmer. On notera la belle conduite mélismatique de l’Andante malinconico, mais les deux derniers mouvements montrent un essoufflement dans le renouvellement de l’inspiration.
La déconvenue survient avec la 6ème Symphonie (1975-77), gravée par le même insuffisant orchestre : où est la verdeur des premiers feux ? Un appauvrissement du langage réhabilite des pivots tonals au milieu des dissonances, des segments mélodiques à découvert semblent ne pas très bien savoir où les mène le compositeur, l’ennui s’installe.
Cette veine mélodico-élégiaque se poursuit avec la 7ème Symphonie (1983-84), mais des climats plus prenants s’y infiltrent ; le dodécaphonisme se fait discret, le goût de la combinatoire contrapuntique s’est effacé. Dominique Fanal fait chanter la mélancolie de ces tableaux allant parfois jusqu’à la déchirure (Notturno). Le final intitulé Scherzi renoue avec une certaine facétie dans le maniement des timbres.
La brève 8ème Symphonie (1985-86) s’enfonce dans un semis de bribes mélodiques, de retours à des notes-pivots et autres effluves tonales, trahissant le tarissement d’une sève qui conduisait autrefois d’admirables constructions polyphoniques, éperonnait la directivité du propos, avant que l’esprit ne capitule face aux difficultés de santé (les biographes diront hélas que la fin de vie du compositeur fut assombrie par des défaillances altérant ses facultés créatrices). Le Notturno est franchement trop monotone et se termine par un accord d’ut majeur maladroitement amené, le Final intègre des segments à la limite du pastiche passéiste. Jean-Jacques Werner tente pourtant, par son dynamisme, de relier cette écriture déclinante au style des œuvres de jeunesse...
La fatalité de "l’œuvre en trop" s’accentue avec la 9ème Symphonie (1988-89), malgré l’apparence de sauvetage donnée par la défunte épouse du musicien et Dominique Fanal ; celui-ci accentue d’ailleurs le caractère tragique de ces matériaux épars, juxtaposés comme si la maestria combinatoire d’antan ne réussissait plus à les assembler. Jamais le Wissmer des grandes années n’eût laissé passer les gaucheries d’écriture que l’on entend ici. La mécanique tourne à vide, délayant le Final jusqu’à l’absence de signification. Et à nouveau, l’accord parfait conclusif survient comme un cheveu sur la soupe : quand un compositeur d’aujourd’hui ose l’intrusion en clin d’œil d’une référence tonale dans un discours qui s’en est libéré, il lui faut y mettre un humour cinglant pour en valider l’intention parodique, sinon elle sonne comme une incongruité !



Pierre Wissmer : "Un long voyage". Sonatine pour violon et piano, Sonate pour piano, Trois Études pour piano, Trio Adelfiano pour violon, violoncelle, piano. Par le Trio Steuermann ( Anne de Fornel, piano, Maiko Matsuoka, violon, Christophe Mathias, violoncelle). Hortus 094.

À l’initiative encore de Christophe Dardenne (Éditions Billaudot et Action Musicale Pierre Wissmer), un disque de musique de chambre et de piano vient compléter ce panorama. On l’estimera très "dispensable", tant les pièces de jeunesse méritaient peu l’exhumation : le néo-classicisme, du type "joliesse française", de la Sonatine de 1946 date, sans qu’une sève personnelle ne sauve le propos, non plus que l’élégance gracile des deux jeunes interprètes. En revanche, l’anguleuse Sonate pour piano (1949) trahit une réceptivité à des influences plus modernes, étonnamment diverses voire contradictoires, comme si le jeune Suisse absorbait tout ce le Paris de l’époque lui donnait à entendre ; l’interprétation, irréprochablement au premier degré, gagnerait à accuser d’un trait de burin plus profond ces contrastes. Les Trois Études pour piano (1967) déconcertent par leur sécheresse ; un interprète inspiré pourrait-il en tirer meilleur parti ? Le doute est permis. Seul surnage le Trio Adelfiano (1981), d’une distinction nostalgique où l’humour et la sensibilité se mêlent ; les enchevêtrements de linéarités, tantôt dodécaphoniques, tantôt polytonals, portent bien la griffe de Pierre Wissmer. Les interprètes s’extériorisent enfin, sans perdre de leur grâce. La prise de son assez plate n’aide point à ce que la platitude n’affecte la perception musicale.
Une relecture soigneuse du livret aurait évité que ne subsiste, outre quelques petites négligences, une phrase incompréhensible (dans la notice sur les interprètes).



Kryštof Mařatka

Dans le Grand Auditorium construit au sous-sol du Palais Brongniart, Musicora, avec l’aide de la Sacem, proposait un magnifique programme autour du compositeur tchèque dont on fête les 40 ans cette année. Auditoire trop maigre, là encore, pour entendre l’Ensemble Calliopée donner le Quatuor avec piano n°1 op. 15 de Fauré et (pour le même effectif) un quatuor visionnaire de Kryštof Mařatka charriant des braises : Exaltum. Au cours de ce concert puis lors de la soirée anniversaire du 24 mai au Centre tchèque de Paris, le compositeur nous proposait deux contes (l’un d’inspiration corse, l’autre de source slave) qu’il récitait lui-même en créant l’univers suggestif au piano préparé : bruitages "cinématographiques", atmosphères, états et sensations, l’instrument endossait une fonction narrativo-psychologico-picturale maniée avec humour et imagination. Car Kryštof Mařatka, contrairement à d’illustres (!) devanciers, ne manie pas l’intrusion d’objets et de modes de jeu internes au piano dans un but d’effets anecdotiques à la posture pionnière usée par le snobisme, il amplifie le potentiel de vibrations du piano qu’il écoute avec amour pour le projeter en gerbes puissamment inventives. Ces contes sont d’amusantes expériences, de format plutôt bref, et l’on attendrait que Mařatka nous offre maintenant une grande œuvre pour piano où ce monde d’expériences trouverait à se magnifier dans un feu d’artifice de résonances et de grondements telluriques.
Nous faisions allusion à la soirée très réussie organisée au Centre tchèque : pour combler les vœux du compositeur, elle parcourait les arts. En effet, le grand-père de celui-ci, Josef Mařatka (1874-1937 ; les générations sont extrêmement distendues dans cette famille) fut un sculpteur fameux, ami et collaborateur d’Auguste Rodin, et l’on put admirer plusieurs sculptures dont un puissant buste de Dvořak ; le père de Kryštof, l’éminent médecin Zdenĕk Mařatka (né en 1914, récemment disparu), a suscité l’envie chez le jeune homme de prendre la caméra pour laisser une trace de ses conversations restituant plusieurs époques de la vie nationale. La poésie n’était pas absente de la soirée, grâce à Jean-Gaspard Páleníček (né en 1978, auteur de plusieurs livres) autour de la voix duquel Kryštof Mařatka improvisait au piano.
Et naturellement, l’Ensemble Calliopée, dont on rappelle qu’il est mené par l’altiste Karine Lethiec, épouse du compositeur, assurait avec fougue le reste de la partie musicale, en attendant le Festival Pablo Casals de Prades où Michel Lethiec, bravant son esprit de réserve habituel, fêtera son gendre. Mais nous y reviendrons prochainement.
En attendant, on peut retrouver l’une des œuvres (Hypnósy) de ce programme, si talentueusement jouée par les vents de l’ensemble à géométrie variable, sur un disque que l’on recommande chaudement :



Kryštof Mařatka : Praharphona Sextet (pour harpe, quatuor à cordes et percussions) ; Hypnósy (pour quintette à vents). Sandrine Chatron (harpe solo), Ensemble Calliopée. DUX 0784.

Le label polonais nous donne à entendre deux pièces représentatives de l’imaginaire de Mařatka : à partir d’un foisonnement de réflexions ou rêveries sur d’inapprochables évocations des temps reculés ou au contraire de très proches effluves populaires, le compositeur s’invente une mythologie par processus auto-génératif. Les instruments ne sonnent plus selon leur identité traditionnelle sans qu’ils soient pour autant soumis aux divagations sur les "modes de jeu" bruitistes en vogue depuis quelques décennies ; ils s’expriment de manière complètement musicale mais repensée à l’aune de sons d’outre-temps qui nous projettent vers des horizons novateurs. En somme, Mařatka manie en virtuose l’art de créer la modernité la plus décontextualisée des tics de l’époque à partir d’une intemporalité fantasmée. On admirera la perfection d’interprétation des instrumentistes de l’ensemble (Hypnósy est captée en concert), évoluant tous avec aisance dans cette palette de la suggestion et de la mise en abîme des origines nouées avec le futur.
Un compositeur fait entendre une voix à nulle autre comparable, et c’est un bonheur qui ouvre des perspectives inscrivant d’ores et déjà sa jeune sève dans l’histoire.

Sylviane Falcinelli











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